Texte de Mme de Maintenon de et par Emma Sudour

Publié le par le facilitateur d'histoire & compagnie

Françoise d'Aubigné/ Mme Scarron/ Mme de Maintenon

 

 

J'en sais une, chérie et du monde et de Dieu

Humble dans les grandeurs, sage dans la fortune

qui gémit, comme Esther, de sa gloire importune

que le vice lui-même est contraint d'estimer


Quelques vers à mon sujet du plaisant Boileau, qui pourtant n'était pas tendre avec les femmes.









Et naître femme en ce 17e siècle n'est pas chose facile. Naître demoiselle noble dans les appartements du geôlier de la prison de Niort, où était enfermé mon père, l'était encore un peu moins...


Naître déshéritée par un illustre grand-père huguenot, Aggripa d'Aubigné, d'un père catholique  Constant d'Aubigné, tenait de la gageure en ces temps troublés par les foi aveuglées.


Comment, après avoir presque péri en mer, lorsqu'à la sortie de prison de mon père nous fûmes exilés dans une île des Amériques, comment, après que ce père nous ait abandonnées, ma famille et moi, comment ai-je survécu ?


Sans doute, lorsque j'étais pauvre et que je régnais sur la basse-cour, j'y appris à être reine.

Sans doute, ma mère lorsqu'elle nous faisait gagner notre vie m'apprit à garder la tête haute.

Sans doute, lorsqu'on m'a présenté mon premier mari, si difforme, si hideux et si vieux, une infinie puissance avait placé sa bonté devant mes yeux.


Les paradoxes de mon temps, je les ai tous vécus.


De catholique, on m'a donné une éducation protestante et je redevins catholique, en préférant le mariage au couvent.


Élevée dans la vertu, je n'en avais pas moins pour la meilleure des amies l'incendiaire Ninon de Lenclos, qui, si elle ne ménageait pas les faveurs de son corps, restait un cœur pur et noble.


De nature orgueilleuse par la force des choses, je suis pourtant la plus dévouée et la plus prompte à aider.


Je souffre les maux du peuple et pourtant j'épouse le roi le plus dispendieux que ce pays ait vu naître.


On dit que je n'aime pas les calvinistes, mais cela est faux, je n'ai pas l'âme sanguinaire.
Un jour, j'écrivais à mon frère :
Soyez favorables aux catholiques, et ne soyez pas cruels aux huguenots. Ils sont dans l'erreur mais dans une erreur où nous avons été nous-mêmes, où a été Henri IV et où sont encore plusieurs grands princes. Jésus-Christ a gagné les hommes par la douceur, c'est aux prêtres à convertir. Dieu n'a point donné aux soldats charge d'âmes.


On me dit sévère et pourtant mon seul plaisir est de réjouir et de divertir ma compagnie et mon mari, qu'il s'appelle Scarron ou Louis.


Je ne sais pas comment tout cela est possible.

Je sais seulement que la seule aide que j'ai eue était divine. Je l'ai portée en moi depuis le début et elle m'a portée. Comme elle a porté tous les êtres que j'ai rencontrés et qui m'ont tendu leurs mains généreuses.


Dieu a daigné m'accorder quelques grâces de l'esprit et du corps, et je me suis employée à honorer ces dons, ne cédant jamais à la facilité et en faisant bon usage.

Je ne m'appartiens pas, j'appartiens à Dieu.


Il a placé notre grand roi, Louis XIV sur mon chemin et il lui a fait demander ma main.


Au milieu de toute cette incompréhensible élévation, Dieu a trouvé le moyen de me laisser une sensibilité qui me fait entrer dans toutes les peines des autres, comme si c'était mes peines, qui me fait une affliction de toutes les afflictions générales et particulières ; une sensibilité qu'il me laisse comme par malice.


J'ai traversé les affres de l'humiliation, de la pauvreté, de la mort et de l'abandon en le regardant.

Les yeux tournés vers lui, je n'ai pas faibli.


Et si j'ai souffert et pleuré de mon histoire si insensée, je rends grâce de bon cœur à cette ville de Niort de m'y avoir vu naître.

Je suis une reine, cachée, humble, certes, mais reine quand même.

Mon nom aujourd'hui inspire le respect.


Alors, Niort, ma bonne ville, où j'ai appris très vite, très tôt, je souhaite partager avec toi ma gratitude et te dire que dans les fastes de la cour, je ne t'oublie pas.


Il est temps de restaurer cette veille église, montrer qu'une page est tournée. Du marais du Poitou, je suis passée au marais parisien. Puis un roi m'a sortie à jamais de la boue. Alors qu'aujourd'hui un peu de cet éclat rejaillisse sur toi, ce n'est que mérité.

 

 

 
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